C’était
il y a bien longtemps, 5 ou 6 ans je crois, je me disais que la coopér-action
ce n’était pas toujours de la rigolade, mais il fallait éviter de se prendre
trop au sérieux. Je maintiens mes déclarations et en plus je persiste. Mais
parfois, pris dans le tourbillon des activités et de l’importance qu’on me
donne et que je prends avec plaisir, je m’aperçois finalement que souvent je
pourrais dire que j’ai cessé d’être un coopér-acteur…
…lorsque
j’ai commencé à dire que les gens d’ici sont comme-ci ou comme-ça.
…lorsque
j’ai commencé à penser que rien ne se serait fait si je n’étais pas venu.
…lorsque
j’ai commencé à laisser dire que je fais des sacrifices.
…lorsque
j’ai commencé à croire à l’inutilité de mes sacrifices.
…lorsque
j’ai commencé à vendre de la misère.
…lorsque
j’ai commencé à oublier mon propre plaisir d’être ici.
…lorsque
j’ai commencé à dénigrer mon pays d’origine pour faciliter mon intégration ici.
…lorsque
j’ai commencé à dénigrer mon pays d’accueil pour valoriser mes sacrifices.
…lorsque
j’ai commencé à me sentir indispensable.
…lorsque
j’ai commencé à penser qu’ici ils n’ont rien.
…lorsque
j’ai commencé à dire J’ai fait ceci ou cela.
…lorsque
j’ai commencé à me satisfaire de mon importance.
…lorsque
j’ai commencé à mettre plus d’importance sur mon travail que sur celui de
mes partenaires.
…lorsque
j’ai commencé à trouver normal de travailler sans mon partenaire.
…lorsque
j’ai commencé à prendre des décisions sans en référer à l’association
partenaire.
…lorsque
j’ai commencé à devenir plus important que les responsables de l’association.
…lorsque
j’ai commencé à parler de mission pour aider les pauvres qui ne savent pas.
…lorsque
j’ai commencé à oublier le mot engagement
…lorsque
mon engagement ne me sert que de tremplin à mon futur professionnel
…lorsque
j’ai commencé à minimiser le terme de profession
…lorsque
j’ai commencé à mettre plus d’importance sur le contrat que sur l’ensemble de
l’aventure.
…lorsque
j’ai commencé à vérifier les détails de mon contrat pour être sûr de mes avantages.
…
J’aurai
donc cessé d’être un coopér-acteur lorsque je ne prêterai plus attention à mon
attitude et qu’insidieusement j’aurai laissé transcender mon colonialisme
socioculturel au détriment du concept d’autodétermination des peuples.
Si
un jour je cessais de réfléchir à tout ça, j’aurai réellement cessé d’être un
coopér-acteur pour devenir un soldat de l’impérialisme intellectuel
ethnocentrique…
Et
je me dis aussi que, parfois, un bon coup de pied dans la fourmilière de ma
bonne conscience ne fait pas de mal. Alors je ressors ce vieux texte de notre
ancien blog http://jinotegach.blogspot.ch/
pour que mon idéal continue d’être alimenté par la richesse des relations
humaines au Sud comme au Nord.